Les deux étapes de l’apprentissage du go ! par Planche
Cet article avait été rédigé à l’origine par Planche sur le forum GO.ON, l’ayant retrouvé dans mes archives, je le partage avec vous.
Le jeu de go se résume à 3 questions essentielles !
Q1 : Comment sont mes groupes ? Je trouve quel est le plus faible de mes groupes, et c’est lui que j’aide.
Q2 : Comment sont les groupes adverses ? Je trouve quel est le plus faibles de ses groupes, et c’est lui que j’attaque.
Q3 : Ce que je pense de la partie ? Ce que j’aimerai qu’elle devienne, et mon appréciation du gros sur le goban !
On a le droit au go de soit :
– répondre seulement à la Q1.
– répondre à la Q1 + la Q2, ensemble bien sûr, on ne néglige jamais la Q1 !
– répondre à la Q1 + la Q3, toujours en ne négligeant jamais la Q1 !
– répondre à la Q1 + Q2 + la Q3.
En tout temps on va obligatoirement aider son groupe le plus faible sur le goban !
Ceci constitue la base la plus profonde du go. Les meilleurs pros ne pensent qu’à ça dans leur jeu ! Et pourtant leurs styles divergent totalement.
Pourquoi me direz-vous ? Si chacun suit les 3 questions, comment peut-on en arriver à de telles extrémités de style ?
La réponse est cachée dans le choix d’utilisation des groupes de chacun !
J’ai un groupe faible à droite. Vais-je le laisser là comme ça pour, me semble t il, prendre le meilleur des mondes sur la gauche ? Où ai-je besoin de le renforcer pour combattre avec lui ?
Tout dépend de l’évaluation que vous faites de la partie.
Voilà pourquoi les styles des pros divergent ! Chacun va faire un choix quant à l’utilisation de ses groupes !
Par contre ce qui reste commun à tous les joueurs de la planète, c’est que pour attaquer avec un groupe, il DOIT être suffisamment stable pour le faire !
Ce cours a donc pour objectif, de vous proposer une visualisation des étapes de l’apprentissage de ce jeu !
En effet, en regardant vos parties que je commente, ou vos réponses aux différents problèmes de fuseki et de chuban que je vous propose, il m’apparait clairement ceci : vous devenez petit à petit de plus en plus convaincus du bienfondé de ces 3 questions du go ! Vous définissez quel est le groupe le plus faible et vous le renforcez !
J’en suis le premier ravi, car c’est assurément la première étape pour apprendre à jouer au go !
Je vais maintenant vous permettre de compléter ce savoir (enfin je l’espère).
Cet apprentissage, selon moi, se découpe en deux étapes !
Première étape de l’apprentissage !
Jusqu’à 15/10 kyu, il est important d’arriver à comprendre sur quoi se base le jeu.
J’utiliserais une métaphore qui m’est chère !
« Lorsque l’on est sur un tout petit bateau au milieu de l’océan, la première réflexion qui devrait vous traverser l’esprit pour continuez l’aventure est que « le bateau ne doit pas couler » ! «
Savoir par où ramer constitue la deuxième étape. Par là, il y a des nuages inquiétants, par ici il y a trop de vagues, et par là il y a du courant ! Tout ceci constitue la deuxième étape !
Donc quand vous commencez ce jeu, il vous faut apprendre à stabiliser vos groupes, même au détriment de la victoire si je puis dire !
On joue pour que ses bateaux ne coulent pas ! Et on se concentre là-dessus !
A ce moment, on fait des tsumego de vie et mort, on travaille ses joseki, bref, on s’efforce d’avoir dans l’œil, la mesure de la stabilité d’un groupe. Et c’est là ce que je me suis efforcé de vous transmettre pour « ratisser large ».
Dans cette situation, jouer sur la gauche avec noir est la meilleure solution quand vous apprenez le jeu, quand vous en êtes à la première étape de votre apprentissage !
En effet, le coin en haut à droite à trois directions de jeu, il est stable !
Et le coin en bas à droite aussi possède trois directions de course, il est stable !
Et le dernier coup blanc nous incite à aller vers le plus gros donc sur la gauche !
Comprendre ça c’est déjà ne plus jouer comme un 25 kyu !
C’est donc la première chose que l’on va tenter de cerner au go !
Comment assurer sa survie partout en occupant le terrain ?
Blanc va faire de même !
Prenons un autre exemple :
Ici, c’est à noir de jouer.
Q1, comment sont mes groupes ? OK il faut aider le tobi noir en bas, qui est assurément plus faible que la formation au nord.
Noir tourne donc vers la gauche et déstabilise la pierre blanche en dessous de lui.
Noir a fait son « job ». C’est assurément la première étape de l’apprentissage du go, une fois de plus !
Quand on apprend ce jeu, c’est la bonne conduite à suivre !
Définir et aider son groupe le plus faible sur le goban. Assurer la stabilité de tous ses groupes !
En dessous de 15/10 kyu, c’est la voie à suivre pour comprendre ce jeu.
Par contre lorsque l’on est un peu plus fort, et que l’on commence à comprendre tout ça, cela ne suffit plus pour tirer le meilleur de ces situations !
Ceci constitue la deuxième étape de l’apprentissage, et du jeu !
Deuxième étape de l’apprentissage :
La deuxième étape du l’apprentissage du jeu, consiste à faire en sorte que l’adversaire vous permette de jouer ces gros coups volontairement !
Comment cela est il possible me direz vous ?
Et bien il faut qu’il n’est pas le choix, tout simplement.
Il faut que sa Q1 soit remise en cause, et que y répondant, l’adversaire vous permette « gratuitement » de jouer là où vous le vouliez !
Je sais que c’est assez abstrait dit comme çà, alors un exemple :
Dans l’exemple de tout à l’heure, regardez une autre bonne réponse, lorsque noir protège son territoire à droite.
Il remet en question la stabilité de blanc localement, qui n’a d’autres choix que de sortir pour rester dans le jeu.
Se faisant, il permet à noir de jouer au même endroit que tout à l’heure. A la différence près que cette fois-ci, il a attaqué blanc pour augmenter ses points à droite, créant l’urgence chez blanc lequel n’a plus beaucoup de choix à sa disposition. Et quand blanc sort il lui offre le coup qu’il voulait jouer.
C’est ceci que je nomme : Q1 + Q2 !
C’est ceci la deuxième étape de l’apprentissage du go !
Comprenez que puisque vous saisissez désormais que si votre groupe n’est pas stable, il y aura tôt ou tard une urgence à gérer et que, bien sûr, vous n’aurez pas grande liberté de manœuvre pour y répondre.
Et bien à l’envers cette réflexion donne ceci : si il y a urgence chez l’adversaire, alors ses choix de manœuvre seront aussi limitées ! Et c’est en jouant là-dessus que l’on trouve les bonnes combinaisons au go. Les séquences qui vous seront favorables découlent de cette pensée !
Apprendre et appliquer la stabilité de ses groupes est un outil que la première étape vous permet d’acquérir. La deuxième étape vous fait utiliser cet outil à votre avantage !
Dans l’autre exemple de ce cours …
Noir a trois directions de courses avec tous ses groupes.
Jouer simplement à gauche est en fait trop lent. Cela laisse tout simplement l’adversaire établir sa base de vie à droite, tout en réduisant noir !
C’est beaucoup trop passif, ça ne remet pas en jeu la stabilité adverse !
Si encore jouer à gauche permettait de stabiliser un groupe faible, on pourrait considérer que noir répond à une urgence. Mais là le coin noir en bas à gauche possède bien trois directions, il n’y a pas urgence comme on dit !
Donc dans la deuxième étape de l’apprentissage, il s’agit de trouver le coup … qui va permettre à noir d’attaquer le plus possible blanc pour que blanc, pressé par l’urgence, lui permette de grandir tranquillement et gratuitement !
Ici !
Puisque noir est suffisamment stable partout, il attaque. Mais pas n’importe comment .
Il crée l’urgence chez blanc, qui en se stabilisant lui même, va offrir à noir l’extension/attaque qu’il désirait.
Notez que la pierre noire d’attaque est toujours stable dans la mesure où elle a toujours trois options, trois directions de jeu !
Voilà une Q1 + Q2 parfaite !
Si on hypothèse une suite :
Blanc 1 stabilise son groupe faible, mais en même temps crée l’urgence pour noir qui refusera de se laisser enfermer (2), en laissant à blanc la possibilité de relier ses groupes et ainsi d’obtenir une influence (du power) considérable !
Blanc 3, fini de stabiliser le groupe blanc, et menace le coin noir !
Après la séquence où les deux se stabilisent, blanc va au plus gros au nord et noir à gauche !
Mais l’attaque du début a clairement profité à noir, par rapport à la réponse du début du cours non ?
D’autres séquences peuvent être meilleures encore mais celle-ci me permet d’illustrer ce cours, sans pour autant aller trop loin !
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Voilà la deuxième étape de l’apprentissage du go, et cette étape là est sans fin.
Plus on sera précis dans l’évaluation du rapport de stabilité des groupes du goban, plus on trouvera facilement les bonnes séquences, plus on progressera, plus on considèrera les timings, et les lieux où il est important de jouer.
Est-ce à dire qu’il faut bannir les coups lents pour progresser et ne jouer que pour déstabiliser l’autre ?
Certainement pas ! Mais on joue des coups « lents », quand ça change le visage local de la partie !
Je m’explique. On joue des coups lents, qui ne joue pas contre la stabilité de l’adversaire, quand celui ci nous permet, de changer localement la balance de la stabilité !
Imaginons que l’on envahit un moyo adverse. Alors on joue des coups de forcing, car bien sûr on est moins stable que l’autre, et on continue car, tant que les coups le forcent à répondre, et bien il doit répondre. Puis avec l’accumulation de pierres alliées dans le secteur, va apparaitre un coup qui cette fois-ci ne jouera pas contre la stabilité de l’autre mais qui va nous permettre, le plus souvent en gote, de changer la donne de la stabilité !
Alors on le joue et on vit ou on sort. A ce moment, d’accord, on a pas jouer un coup qui déstabilise l’autre, mais en accédant au statut « en vie », le jeu change, le rapport de stabilité change … et c’est désormais à l’adversaire de se méfier de ses formes et de sa stabilité !
C’est cela changer le visage local de la partie. On a changé le regard sur l’endroit. Ce n’est plus l’autre qui peut nous faire mal, mais c’est bien nous qui désormais pouvons lui faire mal !
Et dans ce cas là, les coups dits « lents » sont permis et même recommandés !
Cela étant dit !
On apprend donc le go comme suit :
– d’abord on découvre l’outil lors de la première étape de l’apprentissage. On apprend à stabiliser de suite tous ses groupes ! Puis on prend la mesure de la stabilité d’un groupe allié ou ennemi !
– Ensuite, et dans un deuxième temps, lors de la deuxième étape, on va chercher à jouer de cet outil, pour prendre le meilleur sur l’autre, dans de bonnes conditions.
Un joueur en kyu à un chiffre, doit désormais, viser cette deuxième étape et jouer le plus possible de Q1 + Q2 !
Bien sûr pour y arriver il devra correctement lire les directions valides des deux camps !
Je sais que c’est dur, mais le go n’est pas le jeu le plus stratégique du monde pour rien.
Tout est une histoire d’équilibre des forces en présence, les degrés de stabilité des groupes pour :
– soit juste vivre ou fuir
– soit avoir le pouvoir d’attaquer.
Le tout en fonction de vos besoins réels sur le goban, en fonction des urgences ou du gros.
J’espère que ce cours vous aidera à mieux vous y retrouver la dedans, dans les insondables profondeurs de l’esprit !
Merci
Ave